7. Règles du discours 

Par commodité, on distinguera deux ensembles de règles, d'ail­leurs étroitement liés : a) le premier réunit les règles qui permettent la relation qu'il faut instaurer entre l'énonciateur et le destinataire pour que la persuasion soit effective ; b) le second concerne, plus spécifiquement, les moyens techniques qu'il faut mettre en œuvre, c'est-à-dire le travail du texte par l'énonciateur. L'art de persuader étant en cause dès qu'on se place non plus dans l'ordre du vrai (plan de la logique) mais dans celui du vraisemblable, l'orateur se doit de mettre en œuvre un certain nombre d'arguments de nature à emporter l'adhésion de son auditoire, c'est-à-dire à assurer la cré­dibilité de son propos.

Aristote distingue trois types d'arguments : l'argument éthique, l'argument pathétique et l'argument logique. Les deux premiers sont d'ordre affectif, le troisième d'ordre rationnel. L'argument éthique renvoie aux valeurs morales qui, normale­ment, doivent s'attacher à la personne de l'orateur. Notamment, il doit tout mettre en œuvre pour susciter chez son destinataire la présomption de sincérité. L'argument pathétique renvoie plutôt aux effets de caractère psychologique que l'orateur doit susciter chez le destinataire : il doit notamment chercher à l'émouvoir. L'argument logique renvoie à l'argumentation même que l'orateur développe, c'est-à-dire à la dialectique du discours, aux preuves qu'il choisit et à la manière qu'il a de les agencer.

Le travail du texte. — S'il est vrai que l'art oratoire est un tout et, comme l’appelait G. Molinié, que la personne physique de l'orateur, son sens de la gestualité, son vêtement même importent, il reste qu'il se réalise essentiellement dans l'élaboration du discours. Le discours est conçu comme un acte de langage complexe, traditionnellement divisé en quatre temps, qu'on désigne par quatre termes techniques repris par calque des traités de rhétorique en langue latine : l'invention, la disposition, l'élocution et l'action. Les trois premiers correspondent à des phases préparatoires du discours, le quatrième à sa profération même :

— L'invention : moment, liminaire, de la recherche des arguments appelés à être développés en liaison avec le sujet à traiter.

— La disposition : moment où l'on organise ces arguments et où, plus généralement, l'on fait le plan du discours — lequel, en principe, s'articule en quatre parties : a) l'exorde, qui, notamment dans le genre judiciaire, consiste à rendre l'auditoire bienveillant ; b) la narration, ou exposé des faits ; c) la confirmation, qui consiste en l'exposé des arguments censés conduire à la conclusion souhaitée (elle inclut la réfutation des arguments adverses) ; d) la péroraison qui, en principe, est à la fois récapitulation des arguments et appel direct à l'auditoire (non plus, comme au début, pour susciter sa bienveillance, mais son enthousiasme, sa pitié ou son indigna­tion).

— L'élocution : moment encore préparatoire, qui concerne l'écriture même du discours, notamment sa forme ou style. Cette exigence stylis­tique, sur laquelle insiste beaucoup Aristote, se laisse définir à partir de la notion clef de convenance. Il faut qu'il y ait un rapport aussi étroit que possible entre l'objet traité et la manière de le traiter.

L'action : c'est «la prononciation effective du discours» ce qu'il peut impliquer d'effets de voix, de mimique et de gestique». Aristote définissait le genre dramatique et le genre épique res­pectivement à partir du théâtre de Sophocle et de l'épopée homé­rique. Autrement dit, au moins au départ, sa démarche était empirique et inductive. Toutefois, la présentation qu'il fait de ces genres, l'influence platonicienne aidant, se laisse interpréter comme archétypique et anhistorique. De fait, même si l'on admet qu'un genre (littéraire ou non) puisse faire l'objet d'infléxions historiques, il faut néanmoins postuler que la permanence l'emporte sur le change­ment pour que l'idée même de genre, c'est-à-dire de généricité tex­tuelle, ait un sens.

De manière générale, les linguistes modernes postulent cette généricité, sans laquelle l'idée même de typologie textuelle paraît impossible. Il nous semble que cette « réévaluation » moderne de la généricité textuelle a revêtu deux formes: ou bien elle privilégie la dimension locutoire du texte, ou bien elle privilégie sa dimension illocutoire.

II s'agit de mettre en évidence des constantes, ou invariants structuraux, des textes appartenant à un même genre. Le forma­lisme russe des années 20 ou la sémantique structurale d'A. J. Greimas, dans les années 60, se rejoignent ainsi pour essayer de montrer qu'il y a, par exemple, des structures types du récit, qui sont en nombre fini, ce qui signifie que les relations entre les personnages tout comme l'enchaînement des événements obéissent à des sché­mas par certains côtés préétablis et, à ce titre, partiellement prévi­sibles. En ce sens, on peut admettre qu'il existe une grammaire des genres, ce qui revient à dire qu'un genre (romanesque, théâtral, etc.) se définit essentiellement par l'invariance de certaines relations formelles entre les composantes textuelles qui le cons­tituent.

Probablement plus moderne que l'approche précédente, qui, à bien des égards, n'est qu'une transposition dans le plan textuel des hypothèses structuralistes, elle renoue, en profondeur, avec l'an­tique approche aristotélicienne.



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