12. Analyse linguistique du récit

S'exerçant sur un discours, la stylistique ne peut guère se passer, comme nous avons vu, des enseignements que peut lui fournir la lin­guistique : connaissance historique de la langue, description de la substance phonique qu'est un texte, description de la morpho-syntaxe de la langue dans laquelle le texte est écrit, connaissance du lexique, etc. Faute de tenir compte des observations positives faites par le linguiste, la stylistique se dirigerait vers l'impres­sionnisme de la critique littéraire pratiquée par ce que l'on appelle l'honnête homme. Aussi a-t-on essayé d'introduire la méthode et les concepts de la linguisti­que dans l'étude du récit, c'est-à-dire au-delà de la phrase. Généralement, la linguistique, en effet, s'arrête à la phrase qui est « le plus petit segment qui soit parfaitement et intégralement représentatif du discours » (A.Martinet) : « Ayant décrit la fleur, le botaniste ne peut s'occuper de décrire le bouquet ». Mais, comme la phrase, le discours (ensemble de phrases) est un ordre, organisé, avec ses règles, ses unités, sa grammaire : «Au-delà de la phrase et quoique composé uniquement de phrases, le discours doit être naturellement l'objet d'une seconde linguistique ». Etudié à partir de la linguistique, le discours sera traité comme une grande phrase (dont les unités ne seront pas nécessairement des phrases, au sens gram­matical du terme). Comme tel, il participe d'un système qui a sa grammaire, ses unités fonctionnelles (aux fonctions élémentaires de l'analyse grammaticale cor­respondent les personnages d'un récit) et il pourra être analysé à trois niveaux — concept fourni par la linguistique — de description (les fonctions, les actions, la narration).

Pour ne donner qu'un exemple, on rappellera que le premier niveau est fait de fonctions qui sont de nature distributionnelle et d'indices qui sont de nature intégrative (et qu'il faut donc « dénouer ») ; à ce niveau, on pourra déjà donc effectuer un premier classement des récits : fonctionnels (les contes populaires), indiciels (les romans psychologiques). On peut même ne se préoccuper que de procéder à une analyse formelle du récit qui aura le mérite d'inviter à s'interroger « sur ce qu'il convient d'appeler la structure profonde du texte». Il faut, en effet, supposer que le texte est une structure si l'on souhaite le décrire scientifiquement.

On ne peut, en effet, éviter la linguistique : le texte littéraire est langage et communication, il est un objet linguistique. A partir de ce postulat, on peut poser, à la suite de M. Arrivé, que le texte littéraire est clos (= « limité dans le temps et/ou l'espace » ; ou = « structuralement fini », I. Kristeva), qu'il n'a pas de réfèrent et qu'il est soumis aux structures linguistiques (il « s'insère dans les structures » d'une langue et il « constitue par lui-même un langage »).

C'est dire qu'il faudra tirer les conséquences méthodologiques de ces postulats, à savoir : l'adoption des méthodes linguistiques pour la description stylistique, le refus de tout recours à un réfèrent et aussi le refus de prendre en considération toute information qui serait extérieure au texte à étudier.

Tout n'est cependant pas linguistique dans l'objet stylistique que consti­tue un texte littéraire. Que la linguistique fournisse au stylisticien des instruments de travail, c'est une chose. Il n'empêche : le stylisticien « reste souvent conscient que, s'il se prive de l'apport de l'histoire littéraire et refuse de considérer le contexte réel pour ne chercher les indices que dans les formes, que ce soient les formes de l'expression ou celles du contenu, une part du phénomène littéraire, l'aspect concret de celui-ci, lui échappe». C'est dire qu'il n'y a pas que les linguistes qui revendiquent le droit de parler du style et que, parmi les linguistes qui en parlent, certains revendiquent le droit d'en parler à l'aide d'outils qui n'appartiendraient pas tous à la linguistique. «La stylistique apparaît au carrefour de bien des routes. La grammaire, la linguistique, la linguistique comparée, la statistique, l'histoire littéraire, la caractérologie, la rhétorique (au sens d'étude des procédés et libérée de ses aspects normatifs), la dialectologie, la critique.. projettent sur le phénomène du style l'éclairage de leurs méthodes».

C'est qu'en effet, dans la bousculade des options et des méthodes, on assiste à l'utilisation, dans le domaine de la stylistique, non seulement de la lin­guistique, mais de ce qu'on appelle les sciences humaines réputées rationnelles, objectives, scientifiques. Et peut-être, après tout, le paradoxe est-il là : tout, dans l'étude du style, n'étant pas linguistique, la stylistique tâche de renforcer son efficacité en faisant appel aux outils fournis par les sciences humaines par les­quelles elle se sent concernée et par lesquelles elle souhaiterait être solidement épaulée ; or, il se trouve que dans les sciences physiques mêmes, on prend conscience que l'appréhension des faits passe par la pensée de celui qui les appréhendeque, bousculant ce que l'on appelait objectivité, cette pensée est déformante. C'est dire qu'il y a peut-être illusion à vouloir évincer l'humain de l'étude du style sous le principe vain d'une objectivité sujette à caution. Cela ne signifiepas que tout effort pour fournir au stylisticien des outils solides ne soit pas utile; mais cela pose au moins le problème de l'interprétation des résultats obtenus, de leur utilisation aussi, c'est-à-dire en définitive le problème du rôle de la stylistique que de la démarche de celui qui la pratique. On peut répondre à ce problème en renversant les données, en définissant l'objet de la stylistique, le texte donc, non plus par son rôle communicatif mais comme productivité : le texte « ouvre un écart entre la langue d'usage, « naturelle » destinée à la représentation et à la compréhension, surface structurée dont nous attendons qu'elle réfléchisse les structures d'un dehors, exprime une subjectivité (individuelle ou collective) — et le volume sous-jacent des pratiques signifiantes [...] où les significations germent « du dedans de la langue et dans sa matérialité même » selon des modèles et un jeu de combinaisons [...] radicalement « étrangers » à la langue de la communication ». Et, au bout du compte, en refusant toute spéci­ficité au texte littéraire, situé du même coup parmi toutes les autres pratiques sémiotiques, à égalité avec elles : c'est alors, proprement, nier qu'il existe un objet stylistique. Mais on peut aussi, si on pose que le texte littéraire est un objet stylisti­que, dire que « la stylistique littéraire étudie, dans le contexte historique des œuvres et des auteurs, le problème de l'expression, dans ses détails et dans son ensemble composé». Il ne faudra pas alors s'étonner de voir la stylistique s'appuyer sur la linguistique mais ne s'appuyer sur elle que jusqu'à un certain niveau... qui ne sera pas le même pour tous les chercheurs, ni s'étonner que les uns voient dans le stylisticien un critique littéraire pendant que les autres préserveront la qualité d'activité scientifique de la discipline qu'il pratique en n'allant pas au-delà d'un bilan qui dégagera «l'adéquation efficace d'un système expressif et d'un contenu», ni s'étonner enfin que l'intuition joue, comme dans les sciences, un rôle de détecteur. «Si la critique stylistique a tout à gagner aux observations d'une science du style, elle doit finalement en transcender les catégories nécessairement étroites».

La linguistique, étude scientifique du langage humain, a, depuis vingt ans, été la bonne fée des sciences humaines. Il n’est pas de porte qu’elle n’ait paru devoir ouvrir miraculeusement. Elle a prêté son vocabulaire à la sociologie, à la psychanalyse, à l’histoire, à l’analyse des mythes. Elle a même débordé sur la biologie d’un côté, sur la critique littéraire et artistique de l’autre.

La linguistique est généralement définie comme l’étude scientifique du langage. Mais cette discipline, qui part donc de l’étude du langage, en arrive surtout à s’en occuper des langues.

La linguistique comme description des langues: elle s’appuie sur l’observation objective du comportement linguistique des sujets parlants; elle décrit tout ce qui caractérise en propre une langue reconnue comme telle, considérant que l’étude d’un état de langue peut avoir valeur explicative, et pas seulement descriptive. Se proposant comme idéal les méthodes des sciences de la nature et l’objectivite du physicien, elle considère une langue comme un système de signes linguistiques.

La linguistique comme étude du fonctionnement du langage : elle s’appuie sur une conception unitaire du langage humain, considérant que les langues particulières ne sont que des cas particuliers du langage.

La linguistique comme une science très développée a plusieurs branches. Dans ce travail nous allons nous arrêter sur la linguistique textuelle ou bien l’analyse de textes et nous allons essayer d’éclaircir toutes ses particularités, et ainsi que ses liens avec d’autres sciences.

Les liens de la linguistique textuelle avec d’autres sciences sont évidents. Elle est liée avec lexicologie, sémasiologie et, bien sûr, avec le texte lui-même, car c’est à travers le texte qu’on découvre toutes les facultés du mot et qu’on réalise les acceptions figurées (secondaires) du langage.

La linguistique textuelle a aussi des liens avec la linguostylistique qui a pour but de décrire tous les types des textes.

Donc les domaines des recherches de ces deux sciences sont étroitement liés. Linguostylistique étudie aussi les moyens expressifs du langage, et notamment les recherches du potentiel expressif des unités de la langue des différents niveaux et leur réalisation dans le texte. Les dernières années linguostylistique a deux directions fondamentales :


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Раздел: Иностранный язык
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